Voyager en travaillant, donner du temps, être au cœur du pays.
Ouvrir, partager et relier nos humanités. Un rêve de pratiquer l’ostéopathie en mission à l’étranger.
Enthousiasmé par le projet et par les hommes qui le porte, je suis arrivé au Cambodge sans trop savoir à quoi m’attendre, si ce n’est une bataille ostéopathique hors du commun, et des rencontres.
Rencontre d’une équipe.
Dans cette rencontre avec le Cambodge, outre les phénomènes de collisions entre richesse et pauvreté qui saisit l’occidental moyen, c’est d’abord des ostéopathes sympathiques que j’ai rencontrés, engagés comme moi dans cette aventure pour la santé des enfants. Nous étions des individus se réunissant pour un projet, puis au fur et à mesure des journées de soins, nous sommes devenus une vraie équipe. Merci pour cette confiance mutuelle, pour les liens tissés pendant et autour de la mission.
Beauté de travailler ensemble dans la même pièce, arriver sur un lieu et l’aménager collectivement en quelques minutes. Puis le défilé des enfants qui arrivent, le travail ostéopathique commençait, l’ambiance de la pièce changeait et nous étions là ensemble, en silence. Indescriptible.
Et nous repartions, la sensation d’avoir fait ce qu’on avait à faire. Le soir, nous dînions ensemble en tentant de redevenir des lurons lambda, avec cette complicité de la pratique de la journée en plus.
Rencontres avec les enfants avec l’ostéopathie.
Nous sommes chaleureusement accueillis par les équipes qui s’occupent des structures où nous exerçons. Merci à eux pour le travail formidable qu’ils accomplissent au quotidien pour les enfants.
Les enfants attendaient patiemment leurs tours pour venir sur les tables de fortune, certains souriant, curieux se demandant ce qui allait se passer, d’autres parfois un peu craintifs pour les mêmes raisons.
Nous avons fait certaines tentatives pour parler quelques rudiments de khmer : se présenter, dire des mots d’usage comme debout, sur le dos, le ventre, etc… notre accent français les laissait souvent perplexes, cependant au bout de quelques jours, certains mots simples pouvaient être compris. Bien que Sotikhun et Sovanara étaient là pour éventuellement servir d’interprètes (merci à eux), l’essentiel n’était pas là. Le langage du corps parle souvent mieux de ce qu’il y a à dire et qui n’est guère exprimé. Les mains sont posées et rapidement, le ton est donné, les souffrances somatiques sont fortes : zones mise sous verrous, ombres recroquevillés sur l’axe ou un organe, inertie marécageuse d’une terre dévastée… la bataille commençait ainsi presque à chaque enfant. Je peux tenter de résumer ce que j’en retient.
Être là présent, l’enfant est là, présent. ne pas rentrer en résonance avec le problème, sentir ce qui anime la vie chez l’enfant, ouvrir la perception, attendre, sentir s’installer doucement la santé, jusqu’à la remise en mouvement, l’étincelle, le souffle qui ranime la flamme de vie, respiration, expansion, détente, sans histoire, gratitude pour la vie. Une amie m’a parlé d’un proverbe soufi que je vais essayer de ne pas trop déformer : « L’humain creuse ses sillons avec l’ombre, et les remplit avec la lumière ». Être le témoin de ces rencontres des enfants avec la santé et voir ces compagnons de route faire de même, ensemble, fut un grand moment d’ostéopathie, et une belle leçon de vie.
J’ai pu constater que malgré tout ce qu’ils portent et vivent, ces enfants sont beaux, attentifs, aimants, prêts à la rencontre avec l’autre, animés d’une joie douce. Cela en quelques mots pour dire combien les forces de résilience peuvent agir concrètement. Par mille et un contrastes, je ressors de cette expérience avec la conviction éprouvée que le peuple Khmer se relève, est en train de le faire. Il y a du travail et l’ostéopathie peut apporter sa pierre à l’édifice de cette reconstruction.
Vu que le haiku est à la mode, je vous en propose un de Kobayashi Issa :
« Foudre et tonnerre !
à chaque éclair,
le monde guérit. »