Le blog

Vendredi

28 février 2020

Nous quittons Kep tôt le matin, pour Takeo village Sok San.
Sok San est un centre pour handicapés.
L’accueil est, comme ailleurs, très chaleureux.
Je remarque que le centre est agréable, ouvert, doté d’une balnéothérapie (c’est un luxe) et d’un espace de physiothérapie. Il y a des vrais dossiers médicaux.
Le premier enfant m’est apporté dans les bras de sa mère, Sreypech , garçon de 7ans 1/2 .
“ Il est tombé de son lit à l’âge de 2ans et il est comme ça depuis “ dit sa mère résignée et affectueuse à Danith notre traducteur -ange -gardien.
En fait, Sreypech a de très graves séquelles neurologiques de son traumatisme crânien avec peut être une hémorragie cérébrale qui laisse des déficiences  motrices, cognitives et psycho-comportementales irrémédiables.
Il est totalement dépendant.
Il est très agité, blotti dans les bras de sa mère, avec souvent des mouvements incohérents. Sa mère dit qu’il ne se repose jamais.
Il me regarde avec des yeux vides, indifférents, qui ne fixent pas.
J’essaie de lui parler, mais Rien.
Je pose mes mains délicatement sur ses épaules, il les repousse.
Sa mère le réprimande.
Je la rassure.
Je prends maintenant ses mains, qu’il veut retirer mais j’insiste doucement.
Grand moment de silence pendant que nos mains se parlent. Très progressivement, ses mains se laissent aller dans les miennes, ses bras désarticulés se relâchent, ses yeux se tournent vers moi .
Enfin tu me regardes.
Mes mains entourent ta tête, posée sur l’épaule de ta maman,  cherchent ton front , tes tempes , ta nuque.
Et miracle, tu changes de bras.
Mes mains restent collées à ta tête, écoutent et te parlent encore.
“ Sreypech viens , lève-toi, je te tiens , marche , je t’emmène vers cet endroit, choisi par toi , où nous allons planter un grand arbre. Là, exactement là, où tu n’es jamais allé.
Avec toi je creuse, tu jettes la graine qui va donner racine. Cet arbre va pousser un jour, très haut vers le ciel, où je serai déjà, peut-être.
Mais toi, tu pourras alors profiter de son ombre protectrice, près des tiens, sur ta terre.
Toi aussi, tu fais pousser en moi un grand arbre et quand je serai chez moi, je pourrais y trouver refuge quand l’adversité m’entourera.
Mes mains continuent à travailler et t’apaisent.
Tu t’endors.
Maman est juste à côté.
Dors.

Florent Devenyns