Au cours de cette mission, toute l’équipe de docOstéocam œuvre à l’école de M’Lop Tapang, au cœur de Sihanoukville.
L’atmosphère est «lourde », les bruits de la rue proche nous assaillent, l’agitation des enfants jouant dans la cour bétonnée raisonne tout autour de nos tables de soins, pas un brin de verdure, ni un filet d’air, même pas un rayon de soleil n’arrivent à atteindre notre « estrade » de soins.
Les enfants se présentent un par un accompagnés ou pas, de membres du staff…, certains reconnaissent notre équipe, nos habitudes et s’invitent volontiers entre nos mains. D’autres très handicapés, juste arrivés dans ce centre ou réticents n’osent pas monter les quelques marches qui nous séparent.
En ce début d’après midi, un petit garçon de 8 ans se présente à mes cotés timidement, je dirais sur la pointe des pieds. S’il avait pu disparaitre d’un coup de baguette magique, je crois qu’il l’aurait fait.
Son appréhension me questionne. Alors que déjà beaucoup de ses camarades ont reçu des soins, il devrait être plus rassuré. J’essaie doucement de le mettre en confiance, afin qu’il accepte tranquillement ma présence à ses cotés.
Je lui propose de s’allonger sur la table de soins ; je sens sa vigilance, sa méfiance, son regard sombre et dense me fixant intensément.
Assise posément, j’imagine au loin la nature paisible balayée par un doux vent chaud et enveloppant…
Mes mains s’approchent tranquillement de son corps qui, tel un éclair traversant le ciel se crispe, se rigidifie. Son regard s’assombrit. A aucun moment l‘idée de m’éloigner de lui ne me traverse…
Patiemment, je cale ma respiration sur la sienne… agitée … saccadée… puis … plus ample. Ses yeux se relâchent un peu, son corps parait m’accepter…Visualisant une bulle de paix dans cette ambiance agitée autour de nous, et tel un papillon qui se pose sur une fleur, je dépose le bout de mes doigts sur ses avant bras…
Là…
Son regard change instantanément, les sensations engrammées sous mes doigts me transportent encore tous les jours… ce sentiment que cet enfant vivait pour la première fois ce toucher doux, léger et respectueux … ses yeux me disant : « enfin c’est possible … »
A partir de ce moment, tel un animal qui accepte enfin la présence de l ‘homme, son corps se délie, tout doucement ses tissus se relâchent, sa respiration s’amplifie …le soin ostéopathique prend sereinement sa place… laissant derrière lui les peurs qui envahissaient son corps et son esprit…
Il s’endort tranquillement… le soin se terminant, j’éprouve la sensation que mes mains n’arrivent pas à se détacher. Comme si cet enfant avait encore plus besoin de ce contact pour garder le souvenir de ce toucher.
Ce fut une belle rencontre de « cœurs », l’impression d’avoir déposé dans ce corps une goutte de DOUCEUR, qu’il n’avait peut être jamais rencontrée.
Il se réveilla spontanément 2 heures plus tard. Ayant choisi de le laisser dormir, apaisé avec ce sentiment que c’était probablement la première fois qu’il pouvait lâcher prise.
J’appris ensuite par le staff, que cet enfant était arrivé il y a seulement 3 mois, qu’il subissait les coups et la violence de ses parents au quotidien.
Il me tenait à cœur de partager avec vous cette bribe de mission qui m’a touchée parmi tant d’autres… en espérant que la paix puisse régner à nouveau pour tous les enfants.
Merci à mes collègues et ami(e)s pour cette belle mission de novembre 2023 remplie de moments forts de joie, parfois de tristesse et de merveilleux partages…