Le blog

Pour parler de ma deuxième mission

Pour parler de cette 2ème mission , je prendrai le parti de ne pas parler des soins , des enfants , des souffrances rencontrées : d’autres manient les mots bien mieux que moi pour le faire.

Je souhaiterais parler de NOUS , nous qui participons à ces missions , nous qui rentrons différents de ces voyages , nous qui avons du mal à faire partager ce que nous avons vécu là-bas à nos proches , à nos amis, nous qui savons déjà que nous repartirons un jour . Nous avons tous vécu cette scène : « Alors çà s’est bien passé ce voyage ? » ….comment répondre à çà  ? Comment décrire en quelques mots ces sensations ressenties , ces émotions perçues lors des soins , nos difficultés ,  nos joies , ces larmes qui montent parfois , cette confrontation à la détresse , à la mort , à l’abandon , mais aussi à la volonté de vivre , de s’en sortir ? Comment expliquer que même si on nous enseigne à trouver un positionnement neutre dans les soins , parfois on se fait « attraper » et embarquer dans un magma d’émotions qui , même si il ne nous appartient pas , passe dans nos mains , dans notre cœur et vient toucher ce que nous avons de plus profond en nous ?

Comment décrire l’énergie qui anime le groupe ? Cette fusion qui fait que l’on sait d’un simple regard si l’un est en difficulté , si l’autre contrôle son soin , on repère un front qui se plisse , un soin qui dure longtemps…trop longtemps . Sans même une parole parfois , on propose de l’ aide et ,si elle est acceptée , on rentre doucement , sans heurts , dans ce soin qui est dans une impasse.

Qui peut comprendre , si il n’est pas thérapeute , la magie d’un soin à quatre mains ? Lorsque 2 soignants posent leur mains sur un patient et instantanément trouvent un accord , une harmonie .  Certains parlent , d’autres non , parfois on ne se regarde même pas , nos mains se voient et çà suffit . Nous trouvons un équilibre à 3 avec le patient et il suffit d’attendre pour que les tissus se libèrent .  Puis nous partageons nos sensations après et elles sont souvent très proches.

Comment faire partager ici ce que nous vivons là-bas ? nos instants de doutes , cette fierté de faire ce qu’on fait , ce lien qui se tisse entre nous , nos visages marqués par la fatigue ou un soin difficile , par la souffrance que nous cotoyons , cet inébranlable engagement de ceux qui ont créé Docostéocam , nos regards d’enfants devant le spectacle de cirque de Battambang, ces gens extraordinaires qui sont là-bas : Sotikun , le précieux Daneth , Sopheam et Patrick de Goldensilk,  tous ceux qui s’occupent des enfants.

Moi je n’ai pas les mots pour dire tout çà dans une simple réponse à cette question , alors quand on me demande si c’était bien , je réponds « oui , c’était bien. » , et si la conversation se prolonge , si les gens sont curieux de savoir ce que nous vivons là-bas , alors on essaye de raconter tout çà …un peu , comme on peut . On sent bien qu’une part d’eux mêmes souhaiterait faire une démarche identique mais …

Peu d’entre eux sauront vraiment ce que nous cherchons là-bas, ce que nous y avons trouvé,  ce qui nous pousse à repartir, à vouloir faire « notre part » dans ce monde comme le colibri de Pierre RABHI.

Mais c’est pas grave , parce que çà , çà nous appartient.