Au début était..
le sourire.
« Sosdaï ! », Mains jointes, inclinaison de tête, le « petit papier » entre les doigts où sont écrits en khmer et anglais leurs nom et âge .
L’honneur de les recevoir c’est bien à nous qu’il est fait.
Confiance accordée, le petit corps s’allonge sur la table , un tissu krama est placé sur le bassin, les yeux se ferment.
Confiance malgré la souffrance profonde, rentrée.
Docile et travailleur le cambodgien ne se plaint pas.
Mais l’ostéopathe sait que « Seuls les tissus savent…. », les tissus du corps ont tout engrammés et nous livrent les messages, l’histoire vécue, les traces et séquelles.
Nous, ostéopathes de Docosteocam, œuvrons de concert. Un fil invisible nous relie dans cette pièce, ce préau, cette cour où les tables de soins ont été installées pour nous. Nous les avons recouvertes de couettes, couvertures et draps pour accueillir nos patients, petits et grands.
Mains délicatement posées, nous écoutons les bruits extérieurs, insectes, vent, ventilo, jeux, rires d’enfants, traduction, et les messages liquidiens de ces corps en quête de légèreté, d’insouciance perdue ou jamais vraiment vécue pour les enfants des rues…
Un fil invisible nous relie et cela contribue à notre force, empreinte de douceur.
Douceur…
Paradoxe de ces visages doux souriants impassibles et du titane que nous sentons en eux.
Ce bébé de 6 mois abandonné à l’hôpital par ces parents après une grosse chirurgie cardiaque .
Cette jeune nounou, traductrice pour l’occasion, qui pleure silencieusement
pour cette patiente ado qui subit les sévices de ses frères.
Le matin quand nous arrivons, c’est parfois « la cour des miracles’.
Il y a » les enfants spéciaux », dits chez nous « en situation de handicap ou poly-handicapés « , il y a les amputés (mines antipersonnel), les enfants livrés à eux-mêmes dans la rue, bidonvilles ou familles dysfonctionnelles, il y a les ados, il y a le personnel encadrant, dévoué.
Le doute de savoir si nous sommes utiles ?
Le personnel encadrant lui même souvent ancien « filleul » c’est à dire enfant sans parent ayant été parainé par une institution, nous assure tous les jours de l’utilité de nos interventions .
Au retour en France, on me demande si ce n’est pas trop violent: le changement de climat, le décalage horaire…
Ce qui l’est, est d’avoir à accepter que certains se plaignent du temps trop froid, trop chaud, d’un TGV en retard, alors que la disparité de , de conditions de vie, de survie, de revenus, gronde.
Je vous salue,